22 déc. 2008

Alors, un livre ?

Au monde revient l’objet matériel, *
Aux hommes qui savent, le contenu,
A ceux qui comprennent l’être, le geste.

Ecrire un livre comme l’abeille butine, comme la plante croît, comme la lionne dévore sa proie. Etre présent en ce monde quand bien même on serait persuadé d’en connaître les secrets, quand bien même on se connaîtrait soi-même « comme jamais » …

La règle, l’éthique du dire ontologique si l’on veut, c’est de signifier dans tous les cas un geste. Ce qui n’est pas geste, un style, une respiration, un acte de présence, une relation vivante ne vit pas, ça n’appartient qu’à la sphère de cet esprit magnifique fait dieu à laquelle on n’accède que par un étranglement de l’être. Image d’un sablier dans lequel l’être se transforme comme par miracle (forcément) en esprit.

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(*) La pièce à conviction.

21 déc. 2008

Le geste préféré à la vérité

Dans un monde ontologique naturel colonisé par le cogniscisme, au point que les hommes croient désormais qu’être c’est connaître (savoir) et que dire c’est dire ce qu’on sait, il semble qu’il n’y a plus guère de place pour la créativité « folle ».

Comme cela est déjà arrivé par le passé, l’art (la créativité) pourrait vouloir résister ici encore à l’Etat d’esprit comme l’authentique à l’artificiel, le véritable être au monde à l’inter-dire humain, ou plus encore comme le général à la spécialité humaine. * Mais il n’est pas esprit ! Ce n’est pas en tant qu’être artiste (dire-être) au monde serait être esprit libre et que cet esprit-là seul serait créatif ! Ce n’est pas en tant qu’un esprit, celui de « l’être », s’opposerait à un autre esprit, celui de la connaissance ! L’être au monde se manifeste dès la matière, et si la connaissance est bien esprit, le dire-être conscient et résolu d’un homme ne lui opposera pas « l’esprit de l’être » ni aucune « théorie de l’être » mais seulement ici son penser-geste, plus loin son corps dans l’espace physique, et partout ailleurs la présence de toutes choses. ** Son dire préfère le montrer au démontrer.

Le geste préféré à la vérité.

Intuition ici d’une règle : s’arrêter à l’interface, ne pas franchir le pas qui conduit à se poster en face car on n’y chercherait plus que le sens de toute chose. Ne pas devenir ce sujet connaissant qui forcément et aussitôt va avec ce qu’il découvre et s’isole dans sa connaissance.

Demeurer là, dans l’en deçà du langage fait espace,
A respirer le même air, signifier notre propre danse.
Ecrire un livre à l’air libre
Des seuls mouvements de nos membres,
Ce livre qu’on posera ensuite au pied d’un arbre
Et que viendront ronger les vers
Ingénument,
Mais que des hommes auront lu en secret
Et souriants
Avant de le replacer sous les étoiles.

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(*) Ce qui ne signifie pas l’individu face à la collectivité !

(**) « Sage est l’homme conscient d’être au monde de tout ce qui est et comme tout ce qui est mais n’en oublie pas pour autant d’en témoigner aux hommes à sa façon. Chez lui le savoir-croire s’aide d’une pensée de l’être, une pensée qui s’assimile elle-même au croire, au dire-être de toute matière et jusqu’à la pensée même. Cette pensée du dire-être et du savoir-croire ne se connaît pas « en l’esprit », elle se reconnaît en l’être, en tant qu’expression particulière dans l’être au monde. » (infra).

15 déc. 2008

Un communiquer empêche l'autre

Tout ce qui est dit sa présence et son savoir-faire, nullement qu’il sait, aucun « savoir ». Voilà une réalité qui pourrait nous inspirer le désir d’être à nouveau, nous aussi, comme tout ce qui est. L’apparition du langage articulé chez nous fut tout d’abord logiquement un prolongement de notre dire-être au monde. (1) Mais il en fut très vite détourné. La question ici posée est donc :

Qu’avons-nous fait du langage ?

Un enfant en bas âge commence par exprimer son être au monde par le langage longtemps avant, le cas échéant, de réellement commun-iquer avec autrui grâce à lui. L’espace « commun », s’il en est, entre l’adulte et l’enfant, n’est que celui qui permet à l’enfant d’exprimer ses désirs. L’adulte sait cela, il sait qu’il appartient lui-même à cet espace des désirs de l’enfant comme un simple Existant consentant.

« L’enfant n’est pas qu’un être ‘égoïste’,
C’est un être qui a besoin de moi. »

Le passage de notre dire-être au monde d’enfant (par l’expression de nos désirs) à notre dire aux hommes d’adulte (par notre conscience de l’inter-être) définirait à coup sûr une éthique de la communication. Mais qui nous le fraye ? Qui nous l’enseigne ?

Un enseignant commence par apprendre lui-même ce qu’il lui faudra enseigner à des élèves et comment il doit s’y prendre. Il a choisi ce métier de transmettre. On croira volontiers qu’il est l’adulte ci-dessus qui répond aux besoins de l’enfant : « Faire de toi un homme » en quelque façon. Mais de qui sont les désirs exprimés ? Sûrement pas de l’enfant ! L’élève sait cela, il sait qu’il appartient à cet espace des désirs de la Collectivité à son égard comme simple Existant – consentant. Il n’a pas le choix. Il lui faut croire qu’on veut son bien. Du reste, l’enseignant sait bien qu’il n’est lui-même qu’un rouage, qu’il ne saurait commun-iquer avec ses élèves dans le cadre de sa profession, moyennant salaire. Il est là pour transmettre, pas pour une authentique rencontre …

Par son dire à l’élève, il le destine uniquement,
Le langage ici n’aura servi qu’à le conduire.

De fait, le langage est très tôt utilisé politiquement comme un moyen de former des citoyens qui soient des relais d’échange, des êtres de transmission et en concurrence. Mais nous le savions déjà : entre nos agents de formation et l’enfant que nous sommes, il n’y a pas d’espace d’être en commun mais un espace dans l’autre. Cela tient a priori à notre « essence » :

« Parce que nous sommes des êtres sociaux » :
On nous informe.

L’inter-être naturel incombe donc à cette part d’enfant (2) demeurée en nous-mêmes, et nous le retrouverons avec enthousiasme durant toute notre vie (mais entre semblables seulement) à chaque rare moment de – récréation. Précisément, ce grand Sérieux qui fait de chacun de nous un homme, est l’usurpation de cet espace :

« Communiquer, c’est nécessairement avoir l’espace de l’être en commun. »

Voilà en quoi aucune vérité qui s’enseigne ne saurait exprimer un désir de commun-iquer, d’inter-être sans arrière-pensée formatrice, colonisatrice, utilitaire, hiérarchique. Oui, le principe même d’une vérité qui s’enseigne nous prive du jeu de l’inter-être naturel, qui est toujours horizontal et équitable, neutre. Elle amenuise cet espace au fur et à mesure qu’elle étend le sien propre :

La salle de classe contre la cour de récréation.

Pire, la vérité qui s’enseigne n’est qu’une éternelle adolescente, elle exige de notre dire qu’il s’occupe sans cesse d’elle, que nous veillions sur elle et l’adorions comme un enfant exclusivement. Elle veut qu’on l’écoute, qu’on l’apprenne, qu’on la récite et qu’on l’impose à notre tour aux autres. Cela doit nous servir de relation, et le faire savoir constituer notre vocation même ...

C’est que la vérité n’est pas partageuse,
Elle met les hommes à la suite les uns des autres pour qu’ils aillent « de l’avant »,
Ne se retournent jamais sur un quelconque dire-être
Et moins encore ne s’y attardent.
(3)


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(1) ...
(2) Que l’on n’a pas laissé mûrir, convertir en bonheur d’adulte.
(3) Cf. extrait de Carlo Michelstaedter sur Ecouterdire à titre d’exemple de dire-être.

14 déc. 2008

Dire-être honnête

Notre pouvoir de dire ne nous fait pas dire la vérité, et donc la détenir, elle nous fait être véridique cherchant le plus honnêtement du monde à la dire.* Peut-être ne détient-on que ce que l’on rend vivant ?

Donner chair, si on le peut, à une équation mathématique par exemple ?

Notre quête de vérité ne se heurte donc pas à « l’Inaccessible » (… Vérité), elle ne court pas après l’impossible, elle ne cherche pas consolation, elle ne s’obstine pas ni, dépitée, se fait nonchalante. Elle se comprend elle-même comme opportunité d’être « par le dire », opportunité de dire-être « en vérité » (en vérité d’être). Question d’être et non de pure connaissance.

Chercher la vérité n’est pas chercher la vérité,
Mais ce qu’on a à dire.

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(*) Ce qui ne signifie pas qu’il faille nécessairement « aller jusqu’au bout » !

7 déc. 2008

Le style

Pourquoi la question du style est-elle si centrale en matière de présence ? Parce qu’elle englobe ce que l’on a réussi à croire, ce que l’on est contraint de croire, ce que l’on veut ou ne veut pas faire croire. Parce qu’elle fait signe au détriment du seul sens, du sens qui veut toujours être seul sur le devant de la scène. Or le style traduit doublement la présence, à la fois l’être qu’on est au monde et l’homme que l’on est aux hommes :

Son propre dire-être,
Et comment on s’adresse aux hommes.

.

La pensée dépassée : l'énigme de l'onto-logique

Nature, le caractère de tout ce qui est , sa nature ontologique. La « Nature », même, ne pense pas.* Mais alors la Nature est pour nous une énigme en ce sens que partout « ça marche », alors que partout en son sein « seulement ça croit » (Pistis).

Pourquoi ‘l’homme’ ferait-il exception ? Si tout être au monde se signe en tant que croire et faire-croire, sa présence s’alimente manifestement à un savoir-faire « en matière de croire », un « savoir-croire » qui assure sa défense, sa pérennité et, le cas échéant, se manifeste pour nous comme volonté de puissance : « instinct de conservation », dispute de l’espace physique. Dès lors :

Le savoir-croire de l’espèce humaine, même,
Dépasse ce qu’elle a de pensée.

L’énigme d’une nature qui ne pense pas se double ici d’une interrogation profonde sur le lien véritable entre la pensée des hommes et leurs actes individuels et collectifs entendu qu’ils seraient mus collectivement par un savoir-croire impensé et donc in-su :

Ce que penser est faire au monde **

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(*) Chacune des espèces vivantes sur terre se comporte comme un sujet individuel conscient qui s’adapte, évolue, use de stratagèmes, communique avec soi et avec les autres, s’associe même la plupart du temps à d’autres « espèces-individus », bref se comporte effectivement tel un individu doué de volonté, doté d’intentions, capable de se transformer ou d’agir sur son environnement selon tel ou tel objectif, et donc, tout comme un homme conscient de lui-même et du monde pense.
Or aucune espèce vivante en tant que telle ne pense, aucune n’a de volonté propre, d’intention, etc. comme nous. Et si chacune constitue un réseau de communication interne et externe (..), on ne peut considérer comme être aucun de ces « organismes d’ensemble » composés pourtant d’êtres vivants à part entière. A moins précisément d’assimiler toute organisation d’informations et de communications à un organisme biologique ? Dans ce cas, l’hypothèse de l’être au monde comme croire et faire-croire conduit tout droit à l’immatérialisme : « Le monde est composé d’informations qui circulent. Les organismes biologiques n’en sont que les relais, des nœuds de vibrations relayant des programmes apparus ici ou là, dans l’inter-dire … »

(**) En dépit de tout penser quelque « chose », prétexte à un espace noétique qui n’en peut mais.

La fabrique du "monde"

On peut penser qu’à l’inverse de ‘l’homme’, profondément tissé d’inter-dire (humain), le peu de relations (d’inter-dire) qu’une plante noue avec les autres membres de son espèce lui laisse peu le loisir de créer quelque « fantasme » collectif. Car chez les hommes, c’est en effet très certainement le développement croissant de leur inter-dire et la multiplication constante de leurs Existants qui leur a permis d’acquérir une conscience du « soleil », de « soi », et finalement de cet espace total dont la plante n’a pas la moindre idée : le monde. Il ne semble pas qu’une conception « du monde » soit une nécessité vitale pour beaucoup d’êtres vivants sur terre … On peut même conjecturer qu’un être qui a sans cesse multiplié ainsi le nombre de ses Existants l’a fait par opportunité collective de puissance ; c’est-à-dire grâce, précisément, à son inter-dire :

« L’homme est un être social » :
Individuellement il n’est que bête, égoïste et « animal »,

Collectivement il se développe. *

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(*) Mais alors, sa présence ?

L'universel référent

Un seul être au monde a affaire avec le monde, a « le monde » pour Existant. Il croit même que celui-ci « englobe tout », puisqu’il est « L »’espace dont il est le seul à avoir conscience. Pourtant, « le monde » en tant que tel, précisément, n’a manifestement aucune importance pour la plupart des êtres, bien qu’au monde comme nous ! En ont bien plus et sont bien plus universels l’eau, l’oxygène ou le soleil, par exemple !

Sinon le monde, quel est donc l’universel référent ?

Pour sa part, une plante fait exister naturellement des « choses » dont nous n’avons pas immédiatement conscience, dans la mesure où nous sommes incapables de croire comme elle. Ce que nous nommons « soleil », lui fait dire-être au monde au moyen de la chlorophylle. La chlorophylle fait assurément partie du dire-être au monde de la plante. La façon qu’a la plante de croire, selon ce qu’elle est, à ce que nous qualifions de « soleil » mais dont nous n’avons aucune idée de ce qu’il est pour elle (sans doute rayonnement et chaleur, je suppose) cet être-relation là « a pour manifestation » de la chlorophylle.

Ainsi, si l’apparition du soleil est largement antérieure à toute forme de vie sur terre, il est légitime de considérer que chaque espèce vivante est née, entre autres, d’une façon bien à elle de l’appréhender …

Le soleil, un Existant pour tous (ou presque),
Pas le même, pas appréhendé par tous de la même façon.
Un parfait exemple …

.

Une "envergure" de l'être ?

Si tant d’êtres au monde, tels des fenêtres ouvertes sur le monde, paraissent ne donner que peu sur celui-ci, je veux dire sur la totalité de l’espace physique de la commun-ication (tel que seul un homme peut en concevoir le panorama et « y être »), cela semble dû en partie à leurs Existants mêmes. Un chien par exemple me semble plus « intelligent » qu’une plante parce qu’il réagit à bien plus de « stimuli » et me considère, surtout, à part entière, moi. Avec lui j’établis une véritable relation. Quel contact puis-je établir, en effet, avec un être qui ne pourrait pas même me considérer comme une entité ? La façon d’être du chien est donc plus proche de la mienne que celle d’une plante. Celle-ci n’a de moi comme Existants que le peu … que je lui inspire.

Quoi qu’il en soit des différentes façons d’être au monde, il semble qu’avec le nombre de ses Existants croît aussi, en chacune, l’espace (sinon les capacités) de commun-ication avec les autres. * Mais que signifie cette différence de complexité, d’étendue, de conscience, et surtout de quantité d’Existants en matière de présence au monde ? Qu’on est plus ou moins présent !? Sûrement pas ! Alors quoi ? Que ‘l’homme’, parce qu’il a multiplié de façon exponentielle ses Existants et surpasse très certainement en cela tous les êtres au monde, a une vocation eu égard tout ce qui est tout aussi présent que lui ? Peut-être, mais c’est là encore reconnaître implicitement que sa présence à lui est en quelque façon « supérieure » à celle des autres !


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(*) Au point, chez un homme, qu’il se met à imaginer « le monde ». Deleuze, je crois, s’étonnait des trois stimuli auxquels seuls répondrait la tique.

29 nov. 2008

Le liant du monde

Dans un monde humain cognisciste chaque homme demande à l’autre des preuves. Il lui demande une légitimité de ses propos, une justification de ce qu’il fait, de ce qu’il veut - et l'autre s'empresse. Par exemple, dans ce comportement à l’égard d’autrui qui se traduit par un discours, chacun des protagonistes doit en permanence se montrer rationnel, sain d’esprit, donner les références, etc. Dans ce contexte, la preuve qu’on avance pour étayer ce qu’on a à dire est en quelque sorte le démiurge pris à témoin du lien existant a priori entre notre verbe savoir et la réalité. La preuve n’est pas une simple marque d’autorité, elle est une figure maîtresse de l’Etat d’esprit, elle anime l’inter-dire :


Les êtres humains doivent sans cesse se confirmer les uns les autres le monde dans lequel ils vivent…
(1)
Si l’inter-dire n’est pas le monde, celui-ci sans celui-là ne saurait exister.

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(1) Ca n’est pas la moindre des découvertes que de s’apercevoir que nous sommes comme cet esquimau dont parle I. Meyerson, rapportant que lui et son peuple parlent pour que le monde continue d’exister.

Au commencement, le verbe ?

Plutôt que d’étudier chacun pour soi et sa carrière dans un projet collectif qui les dépasse tous et leur échappe, les étudiants pourraient peut-être un jour prochain se demander quoi faire demain ensemble, que se dire d’autre qui ne soit déjà tout à fait prévisible entre eux. Cet égoïsme institutionnalisé qui oblige chacun à se soucier de sa carrière n’est pas fait pour contredire l’idée qu’il lui ait intelligemment inoculé (par l’inter-dire en place) comme programme de « liberté personnelle », et le plus ingénument imputé quand d’aventure ça tourne mal pour lui. Alors, comme la plupart des hommes, il préfère se ranger sagement dans l’inter-dire, y faire sa place sans rien contre-dire, sans faire de politique du dire. « Quoi de plus normal ! Pourquoi renoncer à sa carrière ou à la gloire !?» Nul doute que notre savoir-croire collectif est hiérarchisé, impose à chaque élève son croire présent (fait de promesses) et lui donne à choisir tel ou tel croire-être pour son avenir identitaire, lui fournissant même les moyens de se donner toujours raison d’être comme il est, pourvu que sur l’essentiel il ne sache pas ce qu’il fait. (1)

Ainsi, publier par exemple un « essai philosophico-politique » à l’issu d’un parcours universitaire requis et approprié (forcément !), cela ne remet justement pas en cause la politique de l’inter-dire présent ! Voilà qui était prévisible ...


Mais comment ose-t-on dire une "autre" politique
Tout en confortant la politique de l’inter-dire en place !?


S’il en est ainsi quotidiennement de nos pratiques en matière de communication humaine, il est assuré que l’inter-dire en tant que tel ne saurait pourtant constituer un jour pour nous un problème politique de première importance, voire le problème politique majeur à venir, sans avoir été l’objet, mauvaises habitudes obligent, de longues recherches et études...


Mais Messieurs Dames ! l’inter-dire alternatif ne dépend pas de votre savoir !
Il ressort d’une conception de l’être au monde !


Mais peut-être serait-ce un trop grand danger personnel, pour notre étudiant, que d’avoir à s’interroger sur le rôle du verbe savoir dans notre société ou plutôt sur la répartition des dires et des légitimités qu’il a instaurée depuis des siècles ? Aurait-il le courage de dire aux autres ce qu’un auteur de politique-fiction leur fait et comment il les traite quand il leur « parle » ainsi après avoir grassement étudié et sagement pris place ? Peut-être cela reviendrait-il à leur parler sans savoir ?


« Mais alors, que pourrions-nous avoir d’autre à nous dire !? Devons-nous renouer avec l’arbitraire ? »
- Et si c’était « l’arbitraire » d’une volonté commune de nous relier autrement en vue d’un autre monde ?

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(1) Une parenthèse : s’il n’a pas à s’occuper de la marche du monde, pourquoi lui donne-t-on sans cesse des nouvelles de celui-ci ? Infra.

Déboucher sur l'espace commun

La -ontologie c’est ici l’entreprise de démystification de l’Etre : le « Logos de l’être » n’existe pas en dehors de la volonté de faire Nom et puissance du Nom. Le verbe être, même muni de l’article, reste verbe. -boucher sur l’espace commun, c’est pour un homme ôter de sa bouche tout dire purement savoir (supra) afin de ne point oblitérer (pour le mystifier) le geste de parler aux autres. De cette -ontologie découle naturellement une façon d’occuper l’espace, de dire à autrui « ce-qui-est », une autre façon de le traiter. Elle débouche sur une éthique de la commun-ication. L’Etre déchu de nos relations humaines et cantonné à son rôle dans la connaissance, c’est la mort de la bocca della verita, c’est la renaissance de l’être au monde et des paroles humaines entre elles.

Les dieux se sont tus,
La communication, suspendue, s’interroge,
La ‘vérité’ de l’être au monde peut enfin à nouveau se faire entendre.


L’idéal serait ici un échange entre hommes où chacun aurait à cœur d’expliciter sa propre présence et se réjouirait de voir autrui le critiquer, lui objecter, le railler, le contredire à seule fin de l’inspirer. Car cette intention signifierait qu’on est bien tous dans un espace d’être commun, et donc là pour que chacun accouche au mieux de lui-même. Il contribuerait ainsi à faire de l’inter-dire l’espace de l’inter-être par le langage, sans qu’aucun « moi » n’acquière par là plus d’importance, et sans plus entre nous (et dans nos dires) de souveraine impersonnalité …

L’expérience que j’ai tentée dans cet « essai » fut de passer par l’être au monde, c’est-à-dire de découvrir ce que j’avais personnellement à dire, pour pouvoir réellement me confronter aux choses et aux autres hommes. « Au monde » chacun aurait ainsi, selon moi, quelque chose à dire d’autre qu’un savoir, son égoïsme, et ses sempiternelles exigences envers les autres … C’est là le préalable à la communication (supra), à la confrontation qui consistera à se laisser alors dire-être par les autres :


Les autres : alors désormais notre source d’inspiration.

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23 nov. 2008

Science et contresens (la présence corrompue)

Si la seule présence de chaque chose (ou être vivant) était « tout » pour nous, nous n’aurions pas besoin d’en connaître le sens. Dès lors que la volonté de savoir s’apparente à un désir de pallier une sorte d’absence de sens de la matière et du Monde, tout Savoir constitué vaut comme théologie du sens de toute chose.* Mais peut-être la science n’est-elle qu’un savoir-faire ? – Ou bien veut-elle aussi donner du sens ? Son savoir-faire est repérable : du savoir proprement dit (des connaissances), des applications multiples (matérielles ou autres), et un inter-dire fédérateur et donc civilisateur. Mais que fait-elle, précisément, de tout ce qui ne rentre pas dans ce dernier cadre d’activités humaines, et notamment du verbe croire ? – Une tare, une lacune, une entrave, un contresens … **

Au monde la communication n’est pas la même …

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(*) C’est tout autre chose que de se recréer le monde comme je le fais ici tout du long.
(**) Qu’un homme de science puisse également être croyant, cela indique qu’il est dans les deux espaces (hommes et monde) et y dit-être respectivement. Mais intégrer en quelque façon sa croyance à l’exercice de la recherche objective (ou inversement) serait non avenant, serait de sa part commettre un contresens.

Où chacun, bien seul, ne tient que par les autres

Si le savoir-croire humain vise la communication la plus totale c’est-à-dire que chacun enfin ne touche plus terre, ne tienne plus que par les autres alors l’espèce humaine est peut-être bien la plus imparfaite du règne vivant. Elle n’est pas finie, son évolution n’est pas aussi avancée que celle, par exemple, des fourmis, où tout semble à peu près fixé d’avance pour chaque individu. Ne nous laissons pas abuser par nos moyens technologiques de communication, il est manifeste que l’espèce n’est pas ordonnée, stable, sûre d’elle – elle est toujours « en préparation ».

La communication parfaite se cherche encore ...


De fait, l’évolution de nos sociétés semble aller dans le sens d’une servitude croissante de chacun et de tous à la collectivité :

La fourmi est l’avenir de l’homme,
Un idéal de communication.


Ce renversement total de point de vue sur l’échelle de la « valeur ontologique » des espèces vivantes a au moins pour avantage de nous suggérer une solution à l’énigme, vue plus haut, d’une nature qui, partout très performante jamais cependant ne pense. Si les hommes finissent un jour fourmis, donnant enfin l’image d’une espèce enfin ordonnée (c’est-à-dire tout le contraire de son histoire jusqu’alors), alors nous n’avons pas à croire qu’ils ne penseront pas, puisque nous pensons. Nous devons d’ores et déjà admettre qu’ils seront simplement privés de soi, de réflexions pures.

« ‘L’homme’ commence avec Dieu,
Et finit avec moi »

22 nov. 2008

Dé-nature

Quand on constate une bonne fois à quel point la communication humaine est bien plus envahissante et paralysante qu’enrichissante, on ne se sent plus aussi naturellement porté à livrer soi-même aux autres hommes son sentiment. L’affaire est entendue, et on peut alors entrer soi-même dans une gestation du silence à l’issue duquel une parole éclôt et se mue en un agir personnel. On change alors de dire, on se met alors à témoigner personnellement non seulement de ce qu’on fait, là pour ou contre, mais surtout de ce que c’est que faire.

A l’inverse, persister à vouloir instruire le procès du monde, fut-ce le plus intelligemment du monde, c’est participer d’un discours-type qui nourrit les consciences. Mais à partir de quoi cessons-nous d’être informés et nous mettons-nous à agir personnellement ?

« Se tenir informés, c’est important ! »
- Ah oui ? Pour montrer qu’on est aux courants … d’air ?

Abreuvés d’informations et abusés par un procès du monde qui n’en finit pas les infos, les analyses, les traités, les débats, les essais, les enquêtes, ces éternels rebondissements de l’affaire, toujours la même les hommes ne savent plus bien où est le commencement de l’acte personnel, du soi véritable. En matière d’acte aussi ils attendent quelque chose comme « la vérité », c’est-à-dire un déclenchement par l’abstrait. Ils ne savent plus s’abstraire eux-mêmes du discours qui les nourrit comme pour les engluer dans leur bavardage. Ils croient qu’être informés c’est s’intéresser, et s’intéresser « en être » ! Mais on vous informe pour que votre parole à son tour alimente ! (Des fois qu’il vous viendrait à l’idée de parler d’autres choses, de penser et surtout d’agir autrement, d’agir personnellement !)

Pris dans les filets du langage fait espace, le glorieux refus de tous les grands indignés a mille visages, nourrit son monde, mais le discours qu’il inspire est bien souvent le marchand de sable des consciences. Homme branché, citoyen, civilisé, très au courant de ce qu’il se passe dans le monde, très dépendant et surtout impuissant.

17 nov. 2008

Naissance de l'Etat d'esprit

L’Etre, cette abstraction qui ne fait rien et n’a aucun effet, c’est ce genre auquel toutes les espèces de divinités et autres puissances jusque-là appartenaient sans qu’on le sût. On se mit à le découvrir. Jusque-là, la parole du dieu, qu’il fallait le plus souvent « aller chercher », on l’écoutait et on se conformait à son dire parce que son dire se confondait à son existence même, visible à ses effets. La réalité divine était alors Parole, et on l’écoutait comme on la voyait. Désormais, au sujet de toutes les divinités, il y eut quelque chose de bien étrange au-dessus de leurs têtes :

Les dieux avaient en commun l’Etre,
Mais l’Etre n’était pas dieu.

Quel ne fut pas le bonheur de ces Présocratiques d’être alors enfin en mesure de définir leurs Dieux en tant qu’Etre ! Ni ce dieu-ci, ni ce dieu-là n’avait telle ou telle propriété, effet ou puissance qu’en savions-nous au juste ! mais tous pareillement, s’ils en avaient la stature, devaient avoir les qualités qui siéent à leur rang d’Etre ! Car on l’aura compris : plus qu’aucun dieu, toujours discutable, toujours quelque peu derrière un nuage, l’Etre lui au moins est parfait en sa nécessité formelle !

Un, sphérique, immuable, inaltérable, atemporel etc.
Si un dieu est dieu, il ne peut qu’être figure de la perfection.

Ce véritable dépassement du religieux que fut la découverte de l’Etre et conduisit cependant tout droit à une théologie cognisciste de l’Etre allait désormais nourrir l’inter-dire humain pour les siècles à venir. Certes l’Etre n’était pas un dieu,* mais il allait servir partout de modèle, de paradigme ! L’Etre fut-il tout d’abord un véritable symbole des dieux, il ne tarda pas en effet à se chercher incarnation du côté des hommes et de leur désir le plus profond la connaissance.

L’Etre à peine né visita aussitôt la connaissance humaine. **
Ainsi naquit le nouveau paradigme,
L’Etat d’esprit qui allait envahir le monde.

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(*) Pas encore, il le deviendrait un jour en tant que l’inter-dire humain serait le « tout » du monde cognoscible et à portée de main, de dire.
(**) Cf. l’histoire de l’esprit saint
visitant la vierge Marie …

Un x parmi les hommes (naissance de l'Etre)

Le (savoir-) croire humain est indéniablement riche de créativité. Durant des siècles, certains Existants emportèrent de large suffrage : on crut en leur existence au monde, fut-ce indirectement, par leur seule incidence sur le monde. Il suffit de songer aux morts chez les Grecs de l’époque archaïque et aux hypostases auxquelles ils ont donné lieu.

Toute chose même cachée se perçoit à ses effets,
Tout être même invisible se reconnaît à son
faire.

Les hommes croyaient en une multitude de divinités, esprits, mânes, etc., mais n’eussent-ils cru qu’en un seul de ces esprits, ils étaient loin de pouvoir faire d’un dieu une abstraction, moins encore d’une abstraction un dieu.

Qu’est-ce qu’une abstraction ? C’est l’idée qu’il existe quelque chose qui puisse servir de symbole, voire de modèle, sans être un quelconque faire ni avoir un quelconque effet si ce n’est précisément de servir de modèle, de paradigme même, de pouvoir l’utiliser à sa guise pour hypostasier.

Un dieu exprès pour le dire ?

Les dieux grecs n’étaient pas des personnes divines, ils étaient ces Puissances naturelles et / ou mythologiques, objets de croyance et d’obéissance.

C’est parce qu’ils faisaient, parce qu’ils menaçaient qu’ils étaient.

Connaître signifiait être en mesure de prévoir les effets. Il ne serait venu à l’idée d’aucun homme d’imaginer un « x » qui ne fut rien ni eut aucun effet. Pourtant cette idée vint dans l’esprit de quelques hommes, et tout leur travail consista dès lors à tenter de montrer aux autres hommes non seulement le lien de ce « x » aux choses et aux êtres existants, mais aussi et surtout son intérêt pour nous tous, pour notre connaissance.

Ce « x » c’est l’Etre.

9 nov. 2008

S’affirmer ou s’effacer ? (L'artiste et le fidèle)

L’artiste affirme-t-il son moi tandis que le fidèle s’efface ? Le premier occupe l’espace physique, le second veut finaliser l’espace de l’inter-dire humain en vue de la vérité, en vue du sens. L’un est au monde et crée, l’autre cherche les conditions auxquelles se soumettre et soumettre les autres hommes : un dire qui fasse autorité, qui soit légitimé à faire savoir.*

Mais le sens du monde ne va pas sans faire violence à tout être au monde …


Affirmation du moi, effacement du moi ces deux positions tranchées méconnaissent l’alternative au moi qu’offre la conscience de dire-être au monde et la volonté afférente de dire-être aux hommes comme tout ce qui est. Une légèreté certaine accompagne tout état d’âme créatif, une conscience qui se déjoue du moi, qui ne cherche pas à le négocier car elle a mieux : le soi.

Le soi anonyme mais bien présent !


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(*) Bien sûr, montrer qu’on s’efface soi-même devant quelque hypostase pour mieux s’affirmer devant les autres (comme chef, fidèle serviteur, porte-parole, prêtre, etc.) est un grand classique de la volonté de puissance. Pour occuper l’espace, il est bon d’occuper les esprits, de passer par le langage, de montrer à l’envi l’exemple de la soumission qu’on cherche à inspirer. En matière de savoir objectif, tout psychologisme même sera considéré comme mauvais procès d’intention, en dépit de la psychè de chacun.

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L’un met bas, l’autre s’élève

Il faut tout le bonheur de créer ou de recréer soi-même pour ne point sentir en son for intérieur le besoin pressant d’Adorer, de Comprendre, de Savoir, de Colporter immédiatement aux autres la Bonne Nouvelle. Ca n’est pas là un scepticisme eu égard les savoirs humains, c’est simplement une conscience (à tort ou à raison) de la réalité de l’être au monde :

D’abord il crée, ensuite il dispose,
Tandis que d’autres, d’abord se mettent en position de croire, puis attendent …

Chacun peut constater sans peine parmi les hommes que partout où la créativité est brimée, la soumission à l’hypostase semble s’imposer à l’être brimé même comme vérité. Sans doute le droit de créer se doit d’être réservé parmi les hommes puisqu’il octroie une indépendance et une puissance dont un homme ne saurait se déprendre, moins encore partager. La grande majorité des hommes n’a donc de droit que de savoir ce-qui-Est, c’est-à-dire de l’apprendre de la bouche de ceux qui savent et de ceux qui ont légitimé à le leur dire. Partant, outre le confort qu’apporte à l’homme fidèle sa croyance en quelque Etre (hypostase), il est à parier que c’est la perspective de la puissance que celui-ci pourrait exercer sur lui qui inspira aux créateurs de toutes les époques l’idée de fonder à partir de leurs Créatures quelque religion afférente de « l’âme », de « l’esprit », du « cœur » ou encore de « l’art ». Non point cependant en une façon de célébrer le savoir-croire de chacun, non, mais seulement de créer une religion du croire même !

Une religion exprès pour les fidèles,
Où l’on célèbre la seule foi … en l’hypostase.

Exemple entre tous, le « sujet connaissant » est ce fidèle qui en appelle à la soif de vérité des autres hommes, attendu qu’on ne crée pas la vérité, qu’on la découvre seulement ! Aussi faut-il être légitimé à parler.

Et ainsi, à défaut de savoir, eh bien moi j’écoute un autre homme,
Lui, persuadé de découvrir et d’être dans le partage.

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Si Dieu était une fable, elle débuterait peut-être ainsi :

« Dieu créa la vérité, puis l’homme qui irait avec
Pour la célébrer comme hypostase. »

Mais peu importe au fond si un homme trompe un autre homme qui l’en prie : quel créateur ne s’éprendrait pas lui-même de sa Créature ?

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La persuasion et la rhétorique *

Le sentiment a parte de tout homme créateur de ‘choses’ est qu’un Existant nourrit certes la foi et la connaissance … mais des autres hommes car pour lui, construire, imaginer, créer quelque Existant collent bien plus à la réalité de l’être au monde (donc à la sienne), et assouvissent plus pleinement son désir d’être présent au monde.

Si l’artiste aime son public et réciproquement,
Ce n’est sûrement pas, entre eux, de bien se comprendre !

L’antagonisme est larvé. Il opère, dans l’absolu, entre un pur dire-être au monde (s’il en est) et, par exemple, quelque discours de vérité prononcé devant des fidèles parce que conçu pour eux. On comprend mieux dans ces conditions l’idée de chute qui accompagne la vision gnostique du monde quand on considère « la vérité », emblème par excellence de toute hypostase, comme la chute de l’expression naturelle (dire-être au monde, manifestation) dans l’inter-dire humain (communication).

Le savoir-croire de chacun dévoyé et dévoré de toute façon
Par l’inter-dire.

Ainsi l’hypostase « vérité » circulant parmi les hommes et redoublant d’existence par les incessantes croyances dont elle fit l’objet, a fini par rendre le monde de l’être redevable du langage et de l’inter-dire humains. C’est ce dieu-là que les gnostiques combattent. C’est pourquoi ils parlent d’un faux dieu (du dire, de la communication ?) au-dessus duquel se tient le vrai (du croire, de l’expression ?). Tout comme la créativité de toute chose se tient normalement au-dessus de toute béate dépendance. Mais qui seul peut l’entendre ?

L'homme qui crée, qui donne à croire.

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(*) Titre de l’ouvrage de Carlo Michelstaedter

8 nov. 2008

La trahison de l’homme libre

On connaît cette figure de « l’homme libre » prônée parmi les hommes, mélange de créativité, de force, d’orgueil et de vanité. Elle traverse l’histoire des hommes. Sa liberté est à l’égard de tout « Etre », à l’encontre de toute autorité. Que peut faire cet homme de cette liberté ? Que va-t-il en faire ? Elle le poussera tôt ou tard à créer à son tour un Etre de ses propres mains ! C’est-à-dire à l’égal du dieu ou, s’il vit à notre époque, à l’égal de la connaissance objective des faits, de la réalité.
Voici son travail achevé ; c’est par exemple une théorie politique, ou une conception scientifique ou « esthétiste » du monde, ou encore un système philosophique – bref, cela donc nous concerne. Que devons-nous comprendre ? Son œuvre est-elle un exemple de ce que nous aurions pu nous-mêmes réaliser, et donc en quelque sorte un éloge de notre propre créativité ? Une célébration de notre savoir-croire, peut-être ? Ou bien est-elle une occasion pour nous de nous soumettre à ce nouvel Etre, de nous laisser guider par lui, nous qui ne sommes pas capables de créer par nous-mêmes ?

Chaque créateur religieux, poétique, philosophique ou politique doit choisir entre l’hypostase utile aux hommes – en grande majorité non « artistes » – et l’éloge de la créativité humaine dans son ensemble. Dans le premier cas il est sans nul doute aux hommes, dans le second il est plus généralement au monde. Lui, l’hérétique qui osait penser par lui-même, a fini par penser pour les hommes et a fondé une Eglise. Il est devenu un grand homme.

Mais d’un point de vue de l’être homme au monde,
Toute Eglise est précisément le commencement de l’hérésie.

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1 nov. 2008

Savoir et politique

La connaissance est affaire de science, sans aucun doute mais le verbe savoir est l’essence de notre politique en tant que recherche et mise en circulation du meilleur dire, le plus crédible, le plus légitime, le plus légitimé à s’imposer parmi les hommes. Et même à faire ‘l’homme’ !


Savoir et faire savoir sont un des moteurs principaux de l’inter-dire.


« Façon d’être, façon de voir » ? Mais toute façon politique de nous faire passe par une façon de nous faire savoir ! Voilà pourquoi savoir et politique sont si intimement liés. Politique de l’Etre et de l’Etat d’esprit, politique de l’être homme pris entre la chose et l’autorité :


« Voyez la vérité dans la chose,
Voyez dans notre savoir la Loi. »


L’inter-dire est le véhicule de l’ordre, le garant des valeurs, de la hiérarchie à respecter, des interdits, des Existants opérationnels. (Vérité, verbe savoir, éducation, libéralisme, etc.). La politique ancestrale de l’Etre nous enseigne à la fois les choses


« Voyez comme les choses à des Lois se soumettent. »


et à vouloir nous soumettre, comme elles, à la vérité, au savoir. Comme nous découvrons les Lois de la nature, nous apprenons ainsi à obéir aux Lois.


Comme on sait on se plie à la vérité.
Tel est alors notre vouloir.

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Le gendarme de la communication

Le verbe savoir relève d’un croire implicite à l’en-soi réel (...) sur la base d’un Etre formel. Rattaché à l’en-soi, il est cette instance, ce statut, ce « rang de parole » qui peut se permettre de dire sans laisser supposer qu’il relève d’un croire. *

Il est cette légitimité accordée au dire qui peut s’en réclamer, d’énoncer ce qui est. Ce langage de l’en-soi, c’est la possibilité offerte aux hommes d’entreprendre, sur des bases solides, un commerce de la réalité.

Ontologie contractuelle.


La Raison officielle, ça n’est pas seulement un ensemble de moyens rationnels en vue de savoir, de justifier le statut de ce croire si particulier et de fonder la science, c’est aussi une façon de nous entredire du « solide », du « fiable », du « sûr », c’est-à-dire d’imposer silence à tout ce qui ne l’est pas, et de contraindre ainsi tout homme à vouloir s’assurer de toute chose avant de la dire aux autres et d’exiger d’eux, réciproquement, des garanties pour tout ce qu’ils pourraient vouloir lui faire savoir.


Le verbe savoir règlemente le marché du dire …
Savoir, c’est déjà de la communication.


[Pas étonnant, dans ces conditions, qu’un profond désir de savoir la vérité anime en chacun de nous le besoin … de dire aux autres ! Ou bien est-ce l'inverse ?]


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(*) « L’être » c’est ce qui ne veut pas changer (Agora). En tant que c’est ce qui s’arrête ou est arrêté, on comprend son lien, plus qu’étroit, avec la recherche d’un dire lui-même fixe, assuré, certain. Le (vouloir) dire qui se nomme savoir exige(ait) « l’être » …

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Commerce de la réalité

L’exigence humaine de vérité a beau être la plus haute, elle n’est cependant pas telle qu’une vérité dernière, même, aurait le pouvoir de faire cesser le dire parmi les hommes.


Même ultime, aucune vérité jamais
Ne réussira à nous faire taire.
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Les enjeux du dire aux autres pour chacun de nous et de l’inter-dire pour l’espèce entière sont bien supérieurs à la vérité même. On peut donc penser, en dehors des multiples possibilités de langage, que le langage et l’inter-dire humain sont constitutivement sans fin, quels que puissent être leurs objets et leurs contenus. ** Aucun dieu ne peut y mettre un terme, pas même un inter-dire, comme actuellement, qui aurait pris sa place. Celui-ci même s’alimente de vérités mais d’aucune dernière en ce qui le concerne. Aucun mot de la fin n’y sera jamais pris au mot, même si des millions de gens s’y attèlent ! Pas même celui-ci, provocateur :


La vérité dernière est sûrement derrière nous !


Ainsi, quoi qu’il en dise, l’homme de vérité (de savoir) privilégiera toujours son dire par-delà toute vérité dernière qui l’exempterait alors de poursuivre. Il ne veut pas être exempté ! Pourquoi la vérité n’a-t-elle de sens que si elle recrute parmi les hommes ? Parce que le paradigme de l’Etre à l’origine entraîna l’inter-dire humain dans un commerce de la réalité.


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(*) La politique du dire c’est l’inter-dire avant tout (supra), l’inter-dire éternel, non point quelque vérité éternelle pure marchandise !
(**) Mais alors,
la vérité et tout ce savoir après lesquels on court ?


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27 oct. 2008

Au bonheur des hommes

Mythe : le résultat créatif d’une prise de conscience de notre incapacité profonde à comprendre et à dire couplée à l’ineffable bonheur, tout humain, de s’en laisser conter, de dire le plausible selon soi !

Au fond et très vite il nous suffit d’y croire pour être rassasiés. Du moins aussi longtemps que le mythe n’est pas renversé.

Il y a un bonheur secret à n’être qu’un homme :
Créer à part entière du sens !

[Quelqu’un me disait tantôt que nous n’avons d’autre choix, face à notre impuissance, que la résignation. Mais c’est là faire implicitement l’aveu d’impuissance d’un appétit démesuré de connaissance ! Plus modestement, le bonheur d’être homme est au contraire de n’être pas Dieu et de pouvoir créer sans cesse à notre guise oui, de l’imperfection, assurément, sans même viser à sa ressemblance, sans avoir à jeter en une fois tous nos dés (comme Lui), sans avoir à jeter notre échelle au dos de l’infini.]

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25 oct. 2008

Du moi au « soi »


Chacun des hommes dit « moi, je ». C’est dire que tous réfèrent à un même vocable, à une même identité-type pour dire ce qu’il a (est !) de plus personnel, de particulier, d’unique. Chaque nouveau-né apprend à son tour très vite à le dire aussi, à le croire, à le penser surtout. Si un homme meurt à l’instant précis où cet enfant dit pour la première fois « moi, je », alors peut-être une certaine balance des comptes est-elle à jour ? Surtout, ce moi-je parti à l’instant pourrait tout aussi bien être continué par ce nouvel arrivé ! Elucubration sans doute …

De fait, pourtant, chacun a beau dire à tout instant moi-je et s’en glorifier même, il n’y est pour rien, il ne s’est en aucun cas choisi. Il est à même de dire :

« Je ne suis pour rien dans moi. »

Il n’est pas faux de croire que je suis juste là, doté de langage, pour me donner raison d’être comme je suis moi. C’est cela moi-je, une sorte de legs, de prêt, de responsabilité :

« Bien tenir sa maison-moi,
Je suis celui à qui elle est confiée ».

Or donc, si je ne suis pour rien dans moi, si je ne viens qu’après moi, qu’après ce moi avec lequel « il faut bien faire », j’aurais donc pu tout aussi bien avoir affaire à tel ou tel autre ! Tiens ! celui-là justement, par exemple, qui passe à l’instant devant moi, peut--être. Voyons, comment vais-je m’y prendre ? Celui-là non plus je ne l’ai pas choisi ! Voici donc, me voila gros alors que j’étais maigre, beau alors que j’étais ordinaire, égocentré alors que j’étais plutôt laxe.

« Bonjour, il faut que je vous raconte,
Un instant vous avez été moi ».

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Suis d’abord, je ensuite

Je suis n’est pas le fait premier, il est un renversement, le renversement premier et par excellence (…) opéré par le langage :

Je suis
Coup d’état dans l’être

Opéré en chacun de nous par l’Etat d’esprit.
*


En réalité (…) suis je. Le verbe est premier. Je ne suis pas, c’est suis qui est devenu je et s’offre sans cesse de se refléter ainsi sous forme de moi.


Mais en modèle d’être réduit
Pour du semblant,
Juste pour qu’on se croit.


Alors je ne demanderai pas « Qui suis-je ? » « Quoi suis-je ? ». Je demande « Pourquoi je ? »
Comme suis je, la réponse ne peut être « Parce que moi ».



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(*) D’abord l’objet, l’acteur, le sujet : nécessaire chronologie de la Cause, Existant majeur de la connaissance. Cf. « Aux hommes ».

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Figure du renversement

Dire « je suis » n’est une preuve ou une manifestation d’être qu’en seconde instance. Dire (que) je suis est avant tout une preuve de conscience et de communication. A soi-même ou un autre, il me faut le faire croire. Mais la médiation est ici redondance verbale.* Dire je suis, c’est inverser l’ordre du monde :


Esprit sujet
Au profit de la communication
Dont la conscience de soi est le premier stade. **


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(*) Non pas médiation entre l’être et ma connaissance, comme le prétend l’esprit cognisciste (..), mais entre la réalité de l’être et le commerce humain de la réalité.
(**) Cf. « Aux hommes »

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19 oct. 2008

Le savoir-faire d’un Dieu

Si « la » réalité n’existe pas, il existe cependant pour tous les êtres (y compris les dieux ?) une infinie variété de choses, de « réalités ». Partant, chacun a la sienne à bâtir, à créer peut-être :

Un savoir-faire.

Si « la » réalité existe, en revanche comment une telle assertion ne nous inciterait-elle pas à la connaissance ?

Un savoir en-soi.

La foi politique de l’homme de science fut-elle (et aujourd’hui encore peut-être) le bonheur de l’humanité (hum !), son exercice est fondé sur une croyance spirituelle en l’un. Quand bien même il découvre « plein de réalités », ce sujet connaissant n’a de cesse de leur trouver cette loi d’airain qui serait l’angle de vue « objectif », absolu :

L’angle de vue par excellence
- mais pour savoir-faire quoi ?

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Allez savoir


La conscience du mal suppose la conscience, mais le mal ?

Il fallut à des hommes une conscience du mal pour le dire, et enseigner à tous les autres la conscience de soi pour le stopper.


La conscience de soi était donc le bien,
Du moins son véhicule.


Erreur funeste ! La conscience du mal donna aussitôt aux hommes le pouvoir de le développer, voire, pour un grand nombre d’hommes, peut-être, de s’en délecter en secret !


Le prix à payer pour stopper ici ou là le mal
Fut de le stimuler partout ailleurs, décuplé !


Depuis qu'il a perdu son innocence, pourquoi le mal trouve-t-il si souvent dans le bien son plus sûr repaire ? Allez savoir