6 sept. 2008

Prestidigitateur

Plus un être (humain) est de langage, moins il a l’être à la bouche. Par exemple, il cherche la vérité qui est là quelque part sans lui ou dans une « relation secrète » avec lui dans la nature ou le ciel de la pensée ou de l’âme, la vérité qui requiert même parfois sa propre absence (son a-subjectivité par exemple). Croirons-nous qu’il s’en insurge ? Pas du tout ! car aussitôt que la vérité apparaît, le voilà qui ressuscite pour la dire !

« Voici la vérité, devant elle je m’efface ».

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Tel est dit qui croyait rendre

« Non seulement ce que tu as, mais également et surtout tout ce que tu es, tu nous le dois. Que serais-tu sans ce langage, par exemple, que nous t’avons appris et dont tu te sers si librement ? Et comment saurais-tu seulement que tu es toi si nous n’avions pas été là pour te le faire savoir ?

Tout ce qui te fut donné nous revient ainsi de plein droit. Ta pensée, surtout, ne se tourne apparemment vers les choses que pour les bénéfices réels, au revers de ton regard et de ces choses que nous pouvons en tirer. Tes pensées mêmes sont pour nous de simples propositions, lesquelles nous agréons ou pas :

C’est selon que nous disons que tu es ou que tu n’es pas. »

vase communicant

Qu’est-ce que le monde ? Qu’est-ce qui me permet de parler « d’un » monde au singulier, distinct de tel ou tel espace particulier créé par tel ou tel être, « son monde » ? En d’autres termes : qu’est-ce qui me permet de croire qu’il y a pour tous, êtres vivants ou choses, un même monde, quels que soient leurs Existants respectifs, « leurs mondes » ?

1) Un même protocole de l’être au monde. (infra)

2) Des êtres qui commun-iquent par leur seule présence, hors langage.

(…)

L’espace physique, c’est le lieu où se croisent tous les êtres au monde, là où ils commun-iquent entre eux par leur seule présence, là où chacun s’affaire à ses propres Existants.

Etre, vase communicant.

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Sans mot dire

Un animal s’enfuit à mon approche. Il atteste ainsi d’une réciprocité de présences entre nous, entre deux êtres n’ayant pas de langage commun : l’espace physique est l’espace ontologique par excellence :

Espace de « l’inter-être »,

De dire-être pareillement

Sans avoir besoin de se dire.


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Clarté sournoise

Deux forces s’opposent et s’équilibrent. L’une veut ordonner, délimiter, exposer clairement suivant une progression constante jusqu’à présentation, si possible, d’un sommet qui se confond avec la fin (dans les deux sens du mot). Mais si elle vise donc une présentation parfaitement claire et articulée, elle ne laisse pas moins d’être ainsi didactique. L’autre à l’inverse répugne précisément à cet effet secondaire :

Ce qui se conçoit bien ne s’impose que trop clairement !

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A l'éditeur

Madame, Monsieur

Je vous soumets le manuscrit ci-joint pour une éventuelle publication. Il s’agit avant tout d’un essai relatif au verbe dire, un texte mais aussi l’esquisse d’un geste. Les deux se fondent ensemble, à mon sens, dans cette seule proposition :

Il n’y a d’ontologie que l’expression de notre vision du monde.

Le contenu :

Une vision naturaliste et constructiviste de l’être au monde, articulée à une critique politique de l’inter-dire humain (le dire entre les hommes), fut-il le héraut de la connaissance la plus achevée, la plus objective.

Le geste :

Le dire humain le plus conforme à toute présence est dire-être, son expression reflète une conscience paratactique (« tout est là ») du monde. Il sort par là de l’alternative imposée à chacun de nous par l’économie du dire en place : objectif ou subjectif / instructif ou « simplement artiste ».

La proposition (sinon la portée) :

S’il existe un lien étroit entre l’économie générale de notre inter-dire et notre façon collective d’être au monde, alors le geste esquissé ici est le signe d’une autre façon possible d’occuper l’espace. Il suggère un autre mode de relations et donc de présence, une autre hiérarchie de nos moyens d’expression.

Dans l’espoir que ce travail retiendra votre attention, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sincères salutations.

5 sept. 2008

A l'école de la puissance

Très tôt nous apprenons des choses. Des choses ? Ou bien simplement à savoir, rien que le verbe savoir, ce verbe grâce auquel bientôt on pourra, avec quelque légitimité, à son tour dire aux autres et être ainsi crédible et puissant ?

Si enseigner c’est enseigner à savoir en vue de la communication, alors enseigner n’est-il pas enseigner implicitement la communication même ?

Dès lors, le verbe savoir serait-il un moyen de faire carrière dans la communication ?


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Au monde, aux hommes

Les êtres vivants et les choses sont au monde. Mais on peut dire de façon métaphorique, quoique avec le plus grand sérieux, qu’ils sont également aux hommes dans la mesure où ceux-ci forment un autre espace, au moyen de leur inter-dire (leur dire entre eux), l’espace d’un savoir dans lequel chaque être vivant et chaque chose viennent se faire connaître et sont finalement connus. Aux hommes en effet les êtres et les choses signifient. Au monde en revanche elles se contentent d’être, de vouloir dire leur présence, de dire-être.

Au monde tout se présente,

Aux hommes tout s’explique.

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Un livre

Coucou !

Faire son nid au monde ou pondre ses œufs dans le nid des autres ?

Dire-être ou seulement dire aux autres en guise d’être ?

Acte de présence et / ou communication ?

Art d’être ou pure recherche d’effet ?

Le diagnostic est simple : autrefois tout ce qui était, à la fois se livrait et faisait signe. L’être c’était :

Un acte de présence ET un signe

(envoyé au(x) destinataire(s)).

La communication est aujourd’hui le malheur des hommes, tant est grande la dépendance de chacun à l’égard des autres : plus d’autre motif de dire-être que de leur faire savoir, leur faire valoir, se faire connaître, faire sa place ... Quoi ? Qui ? Si peu de choses quand on n’est pas même présent chez soi !

Acte de présence :

« Coucou, c’est moi ! je ne sais rien, je ne veux rien,

je n’ai rien à VOUS dire ! ;-) »

(Comprenne qui pourra)

Sage corruption

Une école de vie où la corruption serait au programme, oui, car le débouché par excellence est toujours le monde humain.

Limitez la casse, et même rendez vous la vie plus agréable : une éthique (des relations humaines, forcément) ! Denrée périssable, certes, mais préalable utile. Tout comme de cultiver l’émerveillement naturel aux enfants avant de les enfoncer dans la nasse.

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1 sept. 2008

L'onde échoïste

N’as-tu d’autre raison de dire aux autres que de leur inspirer un oui ou un non ? Leur approbation, leur critique, leur continuation, même, tout cela alimente-t-il autre chose que l’espace des oui et des non, des raisons et des torts, des vérités et des mensonges ? Où sont les hommes à travers leurs dires quand ils ne disent ainsi que pour rapporter sans cesse et faire vivre l’espace-où- tout-est-transposé en vue de leur seul Inter-dire ? Dans le seul combat de mots et de preuves ? Mais eux, de chair et d’os, pendant ce temps ?

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Tout est dit

Tout aussi génial qu’il puisse être, un homme qui proposerait aujourd’hui encore aux autres hommes une nouvelle vision du monde et même les moyens de le construire, ne donnerait d’image de l’homme qu’il est, lui, qu’un sempiternel exemple : celle de l’homme simplement doué, de l’homme qui sait, qui a les moyens de faire savoir aux autres, voire qui est « inspiré ». C’est-à-dire qui se présente dans un type de relations humaines vieux comme le monde, toujours le même.

Et si on inversait le rapport et donnait, pour une fois, la primeur au geste de dire et non plus à son contenu ?

La vérité fut toujours ce contenu,

Mais quel fut de tout temps son geste ?

Après tout, prôner un (autre) type de communication d’abord, c’est bien proposer d’abord un autre usage des relations humaines, non ? Partant, un autre monde ?

Alors je suggère ce double slogan :

« Il n’y a d’ontologie * que l’expression de notre vision du monde »

« Pas d’autre monde possible sans une réforme profonde de la communication. »

(à suivre)

(*) Il n’y a de « ce qui est » à dire